Encore des arbres abattus dans la ville de Tours.

Les Platanes du boulevard Tonnellé, à leur tour, livrés aux engins de chantier (par Jean Marc Sérékian)

Mardi 23 décembre 2008, par Samuel Leman // Communiqués de presse et Lettres ouvertes

La nature n’est plus en fête dans la ville de Tours… Dans les vastes projets d’aménagement urbain de la ville de Tours, l’élimination des grands arbres centenaires s’est brutalement accélérée. Depuis plus de dix ans, les visions pharaoniques d’urbanisation-modernisation rêvées de « La Droite » sont mises en chantier tambour battant par « La Gauche » aujourd’hui aux commandes de la municipalité. Les engins de chantiers sont partout en action. Sans interruption ils se disputent les « marchés publics ». Dans la partie sud-ouest de la ville les « rénovations » à la tronçonneuse se succèdent sans interruption. Après l’allée des marronniers, puis celle de tilleuls de l’hôpital Bretonneau, c’est le tour de l’allée des platanes du boulevard Tonnellé. Et la liste des abattages ne fait que commencer. Celui de l’allée des platanes du quartier des « Deux Lions », actuellement en sur-urbanisation accélérée, est déjà programmé.

Après avoir été refait à neuf il y a à peine quelques années, le boulevard Tonnellé se retrouve à nouveau en chantier. Quatre vingt, cent, cent vingt décibels au plus fort des « combats » de « rénovation » sont imposés à la population. La guerre « décrétée » par l’état-major municipal est prévue cette fois-ci pour une duré de six mois. Aucun répit n’est accordé aux habitants du quartier. « Abattage » des arbres en janvier, éventration de la chaussée, les engins de chantiers seront encore en activité, jusqu’en juin pour la nouvelle année. La mise à mort de soixante-cinq platanes centenaires a été arrêtée. Décidées au plus haut niveau des autorités politiques régionales, les « condamnations à mort » des arbres centenaires apparaissent « sans appel ». La décision arbitraire et irrévocable est imposée aux habitants selon les procédures formelles et habituelles de la démocratie parlementaire.

Pour neutraliser l’incompréhension inévitable et légitime de la population, les autorités nous ont infligé les argumentaires techniques stéréotypés et habituels dans ce genre de procédure. L’argumentaire « phytosanitaire » est paré à toute épreuve, il ne se soucie même plus de sa crédibilité. Les arbres ont la « gale » ou la « rage », « il faut les abattre ils sont malades ». Un monsieur ou une madame « environnement » spécialiste en « remède de cheval » pour les arbres a posé son diagnostic. La thérapeutique s’impose en urgence : « l’équarrissage ». Coïncidence « heureuse » c’est déjà le souhait de l’état major municipal. Un marché public de grande envergure est envisagé dans ce secteur. Une offrande respectable en cadeau de Noël est prévue, pour les engins de chantiers.

Le drame des grands arbres vient de leur enracinement profond dans la terre. Dans l’impossibilité d’accéder à un autre « avis médical » sur leur état de santé, le diagnostic et la thérapeutique du « phytothérapeute » mandaté par les autorités tombent sur eux comme un couperet. « Ils sont malades, il faut les abattre ! » nous dit le monsieur ou la madame environnement de la ville. Mais personne ne sait vraiment si oui ou non ils sont malades, ni depuis combien de temps ils survivent dans cet état morbide. Ils vivent, grandissent et fleurissent assidûment, tous les ans depuis cent ans. « Malade », mais à chaque printemps depuis cinquante ans ils accueillent les oiseaux survivants de la « crise de logement » dans les campagnes, dévastées par le remembrement.

L’argumentaire sécuritaire est indispensable pour une administration s’affirmant préoccupée par le « bien-être » de ses « administrés ». Les arbres sont déclarés « extrêmement dangereux ! » Ils menacent la « sécurité des personnes » et ceci d’autant plus qu’ils prennent de la place, qu’ils sont grands et encombrants. Cette présence devenue incontrôlable, est incompatible avec les exigences sécuritaires d’une société résolument tournée vers la « Modernité ».

Malgré un « bilan CO2 » de l’opération véritablement désastreux, on ne nous a pas épargné l’argumentaire « écologique », désormais obligatoire. Une « piste cyclable » est prévue et d’autres arbres seront plantés. Mais ce ne seront que des arbustes escamotables qui à terme, dans le processus général de contrôle total de l’espace urbain, deviendront des arbrisseaux en pot.

L’argumentaire technique est nettement plus consistant. Il est largement suffisant pour comprendre le « mobile » des autorités municipales. La « ville usine » totale à Tours est maintenant en construction accélérée, sa vocation concentrationnaire est de plus en plus ouvertement affirmée. La densification brutale de la population impose une réquisition toujours plus intensive de tout l’espace urbain. Les arbres centenaires sont déclarés « encombrants ». « Améliorer la sécurité et le confort des piétons sur le trottoir, diminuer les nuisances dues aux platanes devenus inadaptés à l’échelle des constructions… » C’est en ces terme que l’on parle des grands arbres dans « Tours info » (1), l’organe de la propagande municipale.

La réalité est encore plus sordide, la possession optimale de l’espace impose l’élimination des grands arbres. Symbole de vie dans toutes les cultures, les arbres sont devenus « malades », « inadaptés » et « nuisibles » dans la modernité. Par leurs racines, ils occupent inutilement le sous-sol et nuisent au bon fonctionnement de la « ville usine ». La « fluidification » des flux doit être totale pour les autorités, canalisation et câblage revendiquent la totalité des l’espace souterrain. L’artificialisation de l’espace urbain implique sa stérilisation. « Malade, inadapté et nuisible » nous explique sans mauvaise conscience le journaliste appointé de l’organe de propagande, et la presse locale lui emboîte le pas. « Place aux piétons et aux cyclistes » sous-titre le journaliste de la NR (2). Un maquillage plutôt « écolo » pour un grand massacre offert aux engins de chantier.

La « strate arborescente » est éliminée systématiquement des villes au profit de la « strate arbustive ». Mais la ville de Tours est très en avance dans ce processus de stérilisation de l’espace. Elle en est déjà à la « strate herbacée », la « strate arbustive » appartient au passé, les arbrisseaux sont le plus souvent en pot, éléments décoratifs escamotables à convenance.

Encore un marché public de grande envergure offert aux « bitumeurs-bétonneurs ». Grosse émission de « gaz à effet de serre » assurée, soixante-cinq platanes centenaires vont être abattus aux frais des contribuables. Avec ce « cadeau » aux engins de chantiers, 2009 sera encore dans la ville de Tours, une année sombre pour la nature, les grands arbres et les oiseaux.

(1) « Tours info » N° 103 décembre 2008 (2) Nouvelle République, mercredi du 3/12/ 2008

Jean-Marc Sérékian , Tours décembre 2008